Comprendre les médias

Le raccourcissement  

Travaux pratiques

Le raccourcissement hebdomatique©

Questions

a) Pourquoi et comment raccourcit-on les lettres?

b) Jusqu'où peut aller le raccourcissement?

c) Qu'est-ce qu'une « meilleure lettre »?

Pour répondre à ces trois questions lancinantes, nous comparerons une lettre parue sous son titre original dans "Services Publics" du 24.8.95 avec sa version raccourcie parue sous un titre de la rédaction dans le courrier des lecteurs de "L'Hebdo" du 29.6.95.

 

La lettre originale se lit sans les crochets.
La lettre raccourcie se lit en gras.

A propos de l'éditorial de Jean-Claude Péclet

dans "L'Hebdo" du 22.6.95
[Des consultants totalement incompétents]

Le culte voué aux sacro-saintes "lois du marché" a pris une extension telle qu'on peut désormais en constater les effets délétères dans tous les domaines de la vie sociale, y compris à l'intérieur des moyens d'information considérés comme les plus sérieux. Que l'idéologie économiste imprègne non seulement l'ensemble de la réflexion politique, mais aussi ses modes de communication et de réalisation, l'éditorial récent [(...) Votre récent éditorial] consacré par Jean-Claude Péclet aux conséquences de la cure d'amaigrissement à laquelle les autorités d'un Etat cantonal en perdition entendent soumettre ses services en offre une nouvelle preuve.

Rapidité et superficialité sont les corollaires de la loi du profit immédiat appliquée à un journalisme semble-t-il animé par le seul souci de frapper (et donc de vendre). Conséquences: des chiffres erronés (ce n'est pas 1,5% l'an sur trois années, mais environ 10% d'économies que le Conseil d'Etat veut imposer aux services qu'il a désignés comme cibles de l'opération "Orchidée II"), une analyse hâtive (la promesse du Conseil d'Etat d'éviter tout licenciement sera payée en fait par le chômage des jeunes, confrontés à la suppression des postes à la faveur des "départs naturels"), des déclarations à l'emporte-pièce (les personnes occupant les 12000 emplois "sacrifiés" dans la construction se sont à vrai dire rapidement trouvées à la charge de l'Etat auquel on entend précisément retirer les moyens de l'aide sociale). Face à des allégations aussi trompeuses il y a non seulement ces fonctionnaires auxquels on tente de faire payer une gestion financière catastrophique, faite d'allégements fiscaux à but électoral ("L'Hebdo" lui-même l'a montré dans son édition du 1.6.95...); il y a non seulement ces prestations particulièrement nécessaires en temps de crise dans les domaines sensibles de la formation des jeunes, de l'appui social et de la santé; il y a surtout une politique délibérée pour faire triompher le "moins d'Etat" lancé à coup de slogans dans les années d'euphorie spéculatrice et auquel les déficits budgétaires ont depuis fourni le meilleur des prétextes. On peut désormais sans crainte préconiser pour l'Etat de Vaud les mesures d'ajustement structurel imposées par le FMI aux pays du tiers monde.

Quant à l'autosatisfaction [(...) L'autosatisfaction] du consultant, [-] appelé à la rescousse pour servir, à grands frais, de paravent aux autorités [-] dans la conduite de cette politique de "convergence", elle n'a d'égale que son incompétence quant aux fonctions et aux finalités d'un service public. Un débat récent devant le Sénat de l'Université, en présence de spécialistes de la Faculté des HEC, a tourné à la confusion du pauvre représentant de la maison parisienne.

On ne peut donc que regretter de voir s'étaler en tête d'un magazine qui se veut critique les lieux communs de la pensée unique. Les dossiers financiers explosifs présentés numéro après numéro par "L'Hebdo" lui-même n'apportent-ils pas la preuve renouvelée de ses dangers et de sa vanité? [(...)]

Claude Calame, [Lausanne], professeur à l'Université

Réponses

a) Le principe du raccourcissement hebdomatique© est simple. On coupe tout ce qui met en cause le journal et plus généralement tout ce qui concerne le traitement de l'information. En d'autres termes, on ne conserve que les critiques qui visent des personnes ou des institutions extérieures aux médias. Et on change le titre en fonction de ce qui reste.

b) La lettre en question ayant été ramenée de 3060 à 800 signes, on peut affirmer que le raccourcissement peut aller au moins jusqu'à 73%. Mais des cas de raccourcissement de 100% sont attestés, notamment lorsque l'auteur d'une lettre n'est pas connu et qu'il se mêle de ce qui ne le regarde pas, c'est-à-dire de déontologie journalistique.

c) Au vu de ce qui précède, les plus "meilleures lettres", celles qui ont le plus de chance de passer intégralement, sont celles qui font référence à des sujets présentés par le magazine mais qui s'abstiennent d'aborder la façon dont ils ont été traités.

"La Distinction", no 50, 28 octobre 1995