Comprendre les médias

La protection des sources  

Travaux pratiques

L'élagage 24 heures sur 24©

Question

A quoi reconnaît-on qu'un passage d'une lettre de lecteur n'est pas essentiel?

 

Lettre datée du 29 janvier 1996,
parue dans le courrier des lecteurs
de "24 Heures" du 13 février 1996,
à l'exception du paragraphe en gras

A la Rédaction de 24 Heures

Lausanne, le 29 janvier 1996

Monsieur le Rédacteur en chef,

Depuis des siècles, la caricature a toujours représenté les critiques affublés d'une paire de besicles. Madame Jaunin aurait-elle égaré les siennes? C'est ce qu'on serait tenté de croire en lisant son compte rendu de l'exposition veveysane De l'archet au pinceau, paru dans votre numéro du 26 janvier dernier: elle y regrette en effet "l'absence" de Christian Marclay, pourtant représenté au Musée Jenisch comme chacun peut le vérifier.

Quant au manque de curiosité que Madame Jaunin reproche avec condescendance à "ces jeunes chercheurs", il est facile de lui retourner le compliment. Constatant qu'en matière de rencontres entre musique et peinture on cite toujours les mêmes noms, elle est la première à donner le mauvais exemple dans l'énumération qu'elle propose à ses lecteurs. Pas un mot sur Oscar Wiggli, l'un des plus importants sculpteurs alémaniques d'aujourd'hui, et qui expose pour la première fois en Suisse romande. Il en va de même de Jakob Weder, qui suscita l'enthousiasme lors de la grande exposition de Stuttgart en 1985. Silence sur André Bosshard, dont la production, c'est le moins qu'on puisse dire, n'est pas montrée tous les jours. Rien non plus sur Yves Dana, Cornelius Ricman ou Fabienne Wyler, par exemple, alors que notre critique déplore un manque d'intérêt pour l'art contemporain qu'un simple coup d'oeil dans le recueil d'essais accompagnant l'exposition suffit à démentir.

Au-delà de la dénonciation d'un procédé douteux, celui qui consiste à visiter une exposition plus d'une semaine avant le vernissage, alors qu'une bonne partie des oeuvres ne sont pas encore accrochées, voire simplement arrivées -piètre exemple donné à une génération d'étudiants- se pose une question plus fondamentale, celle de la fonction de la critique.

Plutôt que de se précipiter sur l'événement, pour être à tout prix les premiers à en parler, ne vaudrait-il pas mieux prendre le temps de s'informer, afin de pouvoir informer à son tour le public?

En vous remerciant de bien vouloir publier cette mise au point, je vous prie d'agréer, Monsieur le Rédacteur en chef, l'expression de mes salutations distinguées.

Philippe Junod

Réponse

Un passage n'est pas essentiel quand il risque de porter atteinte à la modestie des journalistes en montrant dans quelles conditions épouvantables ils réussissent à faire leur métier.

"La Distinction", no 53, 26 avril 1996