Comprendre les médias

L'esprit satirique  

Qui t'a fait roi des cons?

Dans son dernier numéro de la première année du siècle, notre consœur "L'Hebdo" décernait, sous la forme symbolique de statuettes dorées, ses Nains d'Or, "palmarès des Suisses les plus nuls". Renversant d'originalité.

Les lauréats étaient choisis avec soin parmi les has been devenus inoffensifs durant l'année. En vrac: Philippe Bruggisser (plus pour sa morgue que pour ses échecs); Pipilotti Rist (pour avoir rendu public un de ses pets); Peter Hess (pour avoir reconnu ses torts, si l'on comprend bien la laudatio alambiquée qui accompagnait le prix); Gérard Ramseyer (pour abrutisme); le film Heidi (en raison de son modernisme outrancier); Martina Chyba (pour sa coiffure); Pascal Auberson (pour l'imitation qu'en donne Yann Lambiel tous les dimanches); Stéphane Henchoz (pour avoir raté une passe); Marc Rosset (pour l'ensemble de son œuvre); Joseph Deiss (pour son insignifiance) et Moritz Leuenberger (pour son imitation de Calimero, le héros d'enfance des rédacteurs).

Pour brûler les idoles, il faut au préalable les avoir adorées, comme l'expliquait très justement saint Rémi à Clovis vers 496 déjà. Et le lecteur de se demander si le zèle satirique du "seul niouze-magazine romand" n'est pas quelque peu auto-alimenté, si tant d'ironie n'était pas le prix de tant de flagorneries passées. Une plongée dans les archives s'imposait (la collection des anciens numéros ayant pris l'eau à la cave, on se contenta de ce que produit le web). En voici le résultat sous la forme d'un choix de citations, pour voir si vous devinez de qui il s'agit.

"[XXX] vient de triompher aux biennales de Venise et de Lyon, rendez-vous majeurs de l'art international. Deux succès qui s'ajoutent à une carrière parsemée de prix, de récompenses et de commentaires enthousiastes, de Sao Paulo à Berlin, de Bâle à Paris, du New York Times à... L'Hebdo, qui soulignait l'intérêt de ses travaux en 1994." (1)

"Bref, [XXX], le nouveau patron, "est tout simplement en train de transformer sa compagnie en un holding financier. C'est une stratégie très originale, mais pas absurde du tout", constate un responsable d'une compagnie dans le nord de l'Europe. (...) "Il aurait mieux valu nouer des liens avec les Japonais", lâche [XXX], un peu las des erreurs de ses prédécesseurs." (2)

"[XXX] songe encore avec délectation à l'année de grâce 1975, passée aux États-Unis. Aujourd'hui, il entretient d'étroits contacts avec ses clients américains et s'inspire de leur état d'esprit positif. "Mais, constate-t-il dépité, il est difficile de vivre selon cet esprit en Suisse."" (3)

"Son rapport, prévu pour le 30 octobre, est attendu dans tout le pays. La protection des enfants et les aspects fiscaux en seront deux chapitres importants. [XXX] est décidé à battre le fer pendant qu'il est chaud: "Ce dossier ne doit pas s'enliser dans la procédure parlementaire usuelle."" (4)

"[Son canton] dispose en la personne de [XXX] d'un candidat crédible. L'élire la semaine prochaine n'est pas une affaire de cœur mais d'intérêts bien pesés." (5)

"Pour s'asseoir à une table, pour débattre sérieusement avec des gens comme David de Pury qui disent vouloir construire la Suisse de demain, il faut des hommes délivrés de tout préjugé partisan, qui n'ont pas peur d'un rappel à l'ordre, qui soient fermes sans doute dans leurs convictions, mais tolérants. Justement, [XXX] semble doué de toutes ces qualités." (6)


Jean-Frédéric Bonzon, "La Distinction", no 88, 9 février 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1) Sur Pipilotti Rist, "L'Hebdo", 7 août 1997 (Retour)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Sur Philippe Bruggisser, "L'Hebdo", 17 avril 1997 (Retour)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Sur Peter Hess, "L'Hebdo", 7 novembre 1996 (Retour)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(4) Sur Gérard Ramseyer, "L'Hebdo", 10 octobre 1996 (Retour)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(5) Sur Moritz Leuenberger, "L'Hebdo", 21 septembre 1995 (Retour)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(6) Sur Moritz Leuenberger, bis, "L'Hebdo", 18 janvier 1996 (Retour)